Dans les villes actuelles, le seul lieu - hélas encore vers la périphérie - où un théâtre pourrait être construit, c'est le cimetière. Le choix servira aussi bien le cimetière que le théâtre. L'architecte du théâtre ne pourra pas supporter les niaises constructions où les familles enferment leurs morts.
Raser les chapelles. Peut-être conserver quelques ruines : un morceau de colonne, un fronton, une aile d'ange, une urne cassée, pour indiquer qu'une indignation vengeresse a voulu ce premier drame afin que la végétation, peut être aussi une herbe forte, nées dans l'ensemble des corps pourrissant, égalisent le champ des morts. Si un emplacement est réservé pour le théâtre, le public devra passer par des chemins (pour y venir et s'en aller) qui longeront les tombes. Qu'on songe à ce que serait la sortie des spectateurs après le Don Juan de Mozart, s'en allant parmi les morts couchés dans la terre, avant de rentrer dans la vie profane. Les conversations ni le silence ne seraient les mêmes qu'à la sortie d'un théâtre parigot.
La mort serait à la fois plus proche et plus légère, le théâtre plus grave.
Il y a d'autres raisons. Elles sont plus subtiles. C'est à vous de les découvrir en vous sans les définir ni les nommer.
Revue Obliques N°5, extrait de
Jean GENET, œuvres complètes
IV
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