lundi 7 janvier 2013

André Hardellet : quelques clefs avant de s' esquiver


Un écrivain n'oeuvre jamais qu'à vous conduire sur un seuil,
en vous confiant quelques clefs avant de s'esquiver ;
il ignore si la bonne se trouve dans le lot et si le château qu'il vous propose de cambrioler en vaut la peine.
Dans "La promenade imaginaire", écrit en 1973, André Hardellet donne quelques pistes pour s'adonner à "l'imaginaire à hautes doses et la promenade telle que je l'entends". 
 
N'entre pas qui veut dans la promenade imaginaire, cette aristocratie de l'art d'utiliser ses jambes et sa tête, et il vous faut, tout comme moi, subir de difficiles épreuves.
Qu'est-ce dont que cette promenade? Elle commence - elle doit toujours commencer - sur un sol dont chacun a pu  éprouver les sévères exigences pour se prolonger sur un autre plan, dans une autre dimension où rien ne vous sera donné gratuitement, malgré l'opinion commune. Tout ce que je me propose de vous raconter est vrai, mais il est survenu un moment où cette vérité a dépendu de lois nouvelles dont beaucoup me restaient - et me restent - inconnues.
L'imaginaire constitue une drogue moins nocive mais non moins tyrannique que les stupéfiants. Il convient de se conduire correctement avec lui, de le tenir pour on ne peut plus positif et de cesser enfin de l'opposer à l'action - car créer c'est mettre au monde une fiction *. Il n'apprécie guère ces manières rustres et vous le prouvera en vous excluant de ses privilèges. De même que n'importe quel art ou métier, imaginer valablement réclame un long apprentissage. Il s'agit d'atteindre un degré élevé de l'imaginaire, à partir duquel il cesse d'être un jeu futile et gratuit pour vous empoigner tout entier, vous amener à l'identification avec son objet, à la fusion entre le je et l'autre
* Dunlop, par son pneumatique, concrétise cette extravagance : rouler sur de l'air.  (note de l'auteur)
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... l'expérience, cette consolation des dupes...
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... C'est une contrée de taillis et d'herbages clos par des haies vives, un pays d'embuscades parmi lequel des sortilèges vous couchent en joue au détour d'un sentier...Où était-ce exactement et en quelle année?...
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On pense bien que ce n'était pas une rivière à franchir ou une Défense de pénétrer qui m'eût arrêté ; je craignais de détruire moi-même ces fragiles édifices de rêverie en y allant voir de trop près. Ce recul devant un démenti possible m'a poursuivi toute mon existence, et l'on n'en finirait pas de dénombrer les belles proies que j'ai laissées s'enfuir au profit des ombres qu'elles dessinaient...